🌸Dans le Kyushu avec Ornella🌸

J’écris depuis un dimanche pluvieux à Fukuoka : voilà 3 semaines que je suis rentrée de vacances et que j’ai repris les cours… L’étude du japonais, saison 2 ! Les cours ont maintenant lieu le matin, ma classe a changée (pour mon plus grand bonheur !), j’aime toujours autant apprendre, bref, je continue sur ma lancée ! Dimanche dernier avait davantage des airs de dimanche idéal à Fukuoka, sur les chemins de rando, entre montagnes et cascades .. Des forêts féériques qui rappellent un trip psychédélique, mais juste énivrée du parfum des fleurs. Quand je pars marcher j’ai toujours plein d’idées qui me viennent sur des choses à écrire, je saisis ou non l’inspiration, cette fois-ci je n’ai pas saisi .. Je me laisse mollement couler dans ce mois d’avril qui passe sans vagues ni tracas, monomaniaque dans mon apprentissage, peut-être trop sérieuse encore (enlever les excès de sérieux), il faut lever le nez pour voir un peu la vie passer… S’il n’avait pas plu je crois qu’un peu de forêt m’aurait encore fait du bien !

Changement des fleurs : cerisiers puis azalées. Remplacer le temps des pieds dans la terre par le temps des mains dans la glaise : les samedis poterie à Minami-Fukuoka. Y boire du café instantané en mangeant des sucreries avec les vétéranes de la céramique dont on devine l’expertise et la pratique dans leurs moindres gestes. Certaines choses deviennent plus faciles, sans faire exprès .. des caractères viennent tout seuls, un vieux film sans sous-titre. C’est charmant, aussi, de retrouver ma vie ici, après l’intensité de quelques semaines passées avec Ornella.

Il faudrait pouvoir en parler des semaines avec Ornella, mais par où commencer ? J’avais cru que voir mon amie ici, venue de si loin, de passage dans un monde, un peu « mon monde », dans mon expérience du Japon que je protège jalousement, serait comme une sorte de révélation, la possibilité de raccrocher ce qui semble être un long rêve à la réalité, qui serait ailleurs. Conclusion ? Pas vraiment ! Plutôt une impression similaire à celle qu’on a quand on rêve longuement de (avec ?) quelqu’un qu’on connait. Bizarrement normal, avec des couleurs, odeurs et sons différents. A développer.

A peine arrivée à Fukuoka, de retour d’Iriomote, je suis partie l’accueillir à l’aéroport. Excitation de l’inattendu dans l’attendu, joie des retrouvailles, « toutes choses égales par ailleurs ». Le temps et surtout la distance n’enlèvent rien à notre amitié : magie d’un lien profond. C’est tout de même doux, même pour relativement peu de temps, de partager les moments du quotidien. Je deviens guide, interprète, celle qui montre le chemin. Pour Ornella c’est une première fois au Japon, et pourtant elle n’ira ni à Tokyo ni à Kyoto, plutôt le Kyushu et un savant mélange de montagnes, volcans, histoire et littoral. Deux semaines denses entre les effluves de souffre à Unzen Onsen au milieu de la péninsule de Shimabara, les premières fleurs de cerisiers à Kumamoto, Kagoshima en face d’un Sakurajima en éruption, sur les traces de Saigo Takamori malgré, il faut le dire, la pluie, puis quelques jours au calme face à la mer et Aoshima, au sud de Miyazaki. J’ai adoré Unzen onsen, les grandes volutes de fumée, merveilles géologiques, enfers à ciel ouvert. C’est particulier d’être au coeur d’autant d’activité volcanique, ça donne aussi accès à de bons onsens à l’eau laiteuse, et puis j’ai repensé à l’histoire (véritable) que Shūsaku Endō raconte dans Silence. Kagoshima je n’y étais pas retourné depuis mon passage en 2019, quand je faisais le tour du Kyushu à vélo .. une autre vie presque ! J’avais passé une semaine en couch surfing, pour me mettre à l’abri de l’hiver, dans une famille archi sympa (vraiment vraiment !)… J’ai retrouvé le petit magasin d’imagawayaki qui fleurait bon sous les shōtengai (pâtisserie évidemment validée par Ornella), suis retournée admirer la vue depuis le mont Shiroyama (en faisant cette fois des liens historiques), sur Sakurajima j’ai pensé à ce jour passé à faire le tour de l’île avec mon vélo (qui me manque, mais c’est une autre histoire !) pour finalement manger un repas quasi 100% à base de sakurajima daikon (un radis géant pour le moins impressionnant). Un train dans les nuages et la pluie à travers les montagnes pour rejoindre Miyazaki puis Aoshima, déjà comme une césure après ces jours biens remplis et plutôt en ville depuis Kumamoto. Aoshima, l’île bleue, que les reviews google s’acharnent à traduire par Qingdao, l’île bleu aussi mais ailleurs. Face à la mer, les yeux ne se lassent pas de regarder l’île couverte d’une forêt de biro et de toute une végétation endémique. Un pont relie l’île à la terre ferme, en une vingtaine de minutes on en fait le tour. Par le sanctuaire on pénètre dans un bout de cette forêt luxuriante, l’ambiance est particulière, chargée de spiritualité. A marée basse on admire la formation géologique dite « de la planche à faire la lessive de l’ogre/demon » 鬼の洗濯板, on marche dessus malgré le vent. Un détour plus au nord nous mène à Saitobaru et ses kofuns (monuments funéraires), vestiges d’une autre époque et lieu qui, à prime abord, ferait rêver un promoteur en quête d’espace pour une énième terrain de golf !

A Fukuoka, ensuite, Ornella nous a même accompagné un moment sur la route pour notre « rentrée » .. Scène du quotidien dans sa version incongrue, clin d’œil en plein rêve qui rappelle l’illusion. De passage avant de rentrer en France, la vision d’une amie qui marche près de moi dans les rues de Fukuoka.