Demande au vieux berger

Des semaines sans orage, de la marche, de la grimpe… en Provence, parc naturel des gorges du Verdon, Préalpes d’Azur, puis finalement, les Alpes Maritimes, le bout de la diagonale.

C’est surprenant d’arriver au bout d’un voyage jamais considéré comme fixé sur un but mais plutôt sur un parcours. D’ailleurs, dans cette histoire, c’est après être arrivé, coincé dans un chemin encore abimé par la tempête Alex, que nous avons réalisé que l’arrivée n’était ni le lendemain, ni le jour même, mais la veille. Cela fait maintenant un peu plus d’une semaine que les journées ne sont plus rythmées par les coups de bâtons et la cadence de nos pas, le rapport au temps est différent, même si profondément bouleversé par ces 10 semaines passées sur la route.

Il y a eu, je crois, relativement peu de kilomètres entre notre arrivée et l’Abbaye où j’ai écrit l’article dernier, une poignée de centaine tout au plus, au dénivelé vertigineux. Cette dernière partie du voyage fut riche et variée, j’en refais péniblement la chronologie en relisant mes notes, je m’étonne de la densité d’événements. On a campé dans une amanderaie sur le plateau de Valensole où l’arrosage automatique nous aura offert une super douche dans la nature. Je me souviens que ce soir là le ciel était magnifique. Drôle: j’ai rencontré un maitre nageur/pompier volontaire qui travaille dans la piscine où je suis allé toutes les semaines de mon enfance, dans le 77. Il y a eu, souvent, ces villages aux accents du sud bien marqués, où tous les âges se côtoient sur le terrain de pétanque. Aussi des villages archi touristiques, type Moustiers-St-Marie. On sortait alors d’une journée sans croiser personne à arpenter les GR en rêvant d’eau fraîche, le choc à l’arrivée fut total. Là-bas, un groupe de jeune nous a réveillé en pleine nuit, sans le savoir, en mettant leur musique à fond près de la Chapelle et son champs d’oliviers où nous avions élu domicile pour la nuit. Dans le parc des gorges du Verdon loin du Verdon, sur les crêtes, seuls au monde avec les loups. Vu: au dessus du canyon de Rougon, de grands vautours fauves aussi appelés griffons. En chemin pour Castellane, dans les hauteurs, le spectacle de la brume dans les montagnes au petit matin et d’un chamois qui prend le soleil sur son promontoire rocheux. Incongru: une pizza à Soleihas, une nuit avec les (trop de) mouches, un appel téléphonique avec l’Allemagne pour un job en freelance! Les Colettes, un endroit charmant, habité à l’année, inaccessible en voiture. Et pour finir la journée une rencontre avec un jeune homme tout droit sorti d’un roman de Pagnol. D’abord croisé entrain de chasser avec ses chiens dans la forêt puis dans le village de Briançonnet alors que nous regardions notre carte pour essayer de deviner l’endroit idéal où planter la tente. Il nous parlait transhumance, vieux bergers, col du Buis, se fatiguait pour nous de penser à tout le chemin que nous avions parcouru. « Ils sont fous » qu’il disait. Un vieux berger de sa connaissance nous avait alors parlé d’une ferme inhabitée derrière le col, un endroit féérique selon lui. Il fallait marcher pas mal, surtout pour une fin de journée, chercher et s’en remettre aux estimations de temps d’un vieux monsieur du sud, avec tous les sous-entendus que cela comporte! N’empêche qu’après une heure de marche pour arriver au col, et 15 minutes sur le petit chemin qu’il nous avait indiqué, nous sommes arrivé sur cette propriété.. Le temps de marche annoncé était exact à la minute près, l’endroit féérique. Merci monsieur le berger!

La dernière journée: c’était la dernière sans le savoir! Nous qui pensions rejoindre les bords du Var en mi journée nous sommes perdus dans un chemin des plus aventureux… pas de signal, plus de piste, des vertiges et des grosses pierres qui dévalent les pentes rudes… Du genre de chemin qui vous empêche d’envisager le demi tour tant chaque mètre parcouru, à quatre pattes plein de griffures, est une épreuve! Heureusement, j’ai de l’expérience en la matière et pour une fois j’ai choisi, au bout d’une heure, de faire demi tour. Retourner sur nos pas n’était pas aisé! C’est dans ce coin que les premières séquelles de la tempête Alex de 2020 se sont montrées à nous. Chemin défoncés, impraticables, ou inexistants à cause des glissements de terrain. Le lendemain matin nous voulions retenter le passage, près de Puget-Théniers, pour s’approcher davantage de la frontière italienne. Sans issue par les chemins, c’était la fin! La tenancière d’un camping près du Var nous l’a confirmé: c’est par la route ou rien…Elle avait elle-même dû être évacuée il y a peu par hélicoptère en se trouvant coincée, comme nous la veille, dans un chemin.

10 semaines de diagonale dont 8 marchées et environ 1400km nous n’avons pas démérité! Merci 🙂